Depuis un bout de temps déjà, j’annonce à qui veut l’entendre que je vais écrire un billet pour le blogue. Mais le temps passe et passe… Ce n’est pas que je ne voulais plus l’écrire. Ça fait des jours qu’assis devant mon ordinateur je peine à aligner les mots, moi pour qui les mots sont pourtant normalement si faciles à mettre ensemble. Mais le sujet est particulièrement délicat… Il traite de mort et de vie, des passages obligés, comme Josélito Michaud les appellent si justement, ces petits et grands deuils qui composent les jours de tout un chacun. Mon expertise en la matière? Aucune ! Mon expérience par contre…
J’ai vécu probablement le plus grand deuil de ma vie, il y a presque 12 ans maintenant. Mon père avait été diagnostiqué deux ans auparavant d’un cancer à l’estomac. Il avait suivi une série de traitements et au bout de quelques semaines, nous avions fêté la nouvelle de sa rémission. Depuis quelques temps toutefois, il se plaignait de sombres douleurs à l’abdomen et après quelques examens, le verdict était tombé… Le cancer était revenu et, généralisé, il se propageait à une vitesse folle.
Nous étions à la fin octobre et les médecins ne lui donnaient pas jusqu’aux Fêtes. Il les fit mentir et nous quitta finalement quelque 4 mois plus tard.
Avec le recul, la maladie qui m’était d’abord apparue comme une malédiction, m’est apparue comme une bénédiction parce qu’elle nous a offert du temps. Le temps de mettre de côté nos défenses et nos jugements, et dans un commun désir de boucler la boucle avant le grand départ, de nous ouvrir l’un à l’autre et de nous parler comme nous ne l’avions jamais fait auparavant.
J’ai vécu des moments d’une rare intensité au cours de cette période de ma vie. En fait, je n’ai jamais senti la vie aussi perceptiblement qu’à ce moment. Je n’ai jamais été aussi dans l’instant présent qu’à cet instant. Chaque seconde qui passait était importante, je ne voulais rien manquer et je faisais tout ce qui m’était possible de faire et de dire afin de n’avoir aucun regret après son départ. Malgré toute ma bonne volonté, je n’ai pu éviter le chagrin et la souffrance, inévitables après une perte aussi significative, qui ont suivis. J’avais passé la majeure partie de ma vie en conflit avec cet homme et ça ne faisait que quelques années à peine que nous vivions quelque chose qui ressemblait à une relation père fils et la maladie était venue mettre un terme à tout ça ! Il n’avait que 54 ans, je n’en avais que 27 ! Il y avait tant de choses que nous n’avions pas eu le temps de vivre…
Accepter ce qui a été, ce qui n’a pas été, ce qui aurait pu être, ce qui ne sera jamais plus…
La longue route que tous doivent emprunter après la mort, quelle qu’elle soit, demande du temps, beaucoup de temps et une dose infinie de patience, d’indulgence, de compassion et d’attention envers soi-même ! Facile à écrire mais beaucoup moins facile à faire dans cette société où tout va si vite ! La personne décède le jeudi, le service a lieu le samedi et une semaine plus tard c’est le retour au travail et au train-train quotidien et gare à l’endeuillé qui oserait démontrer de la tristesse ne serait-ce qu’à peine un mois plus tard. Le malaise de l’entourage est palpable : « … elle pleure encore ! ». Il faut arriver à faire fi de la pression autour de nous et de s’offrir le temps, l’espace et les outils nécessaires à notre guérison aussi longue soit-elle parce que ce qui n’est pas vécu demeure tapi au fond de notre corps et, tôt ou tard, finit par se manifester d’une façon ou d’une autre et, plus souvent qu’autrement, c’est malheureusement par la maladie qu’elle le fait.
Lorsque je me retrouve confronté à l’inconnu, quelque chose en moi me pousse à tout faire pour apprivoiser la situation et c’est très souvent dans les livres que je trouve les outils pour le faire. Au tout début de l’accompagnement de mon père, j’ai eu la très grande chance de découvrir l’œuvre d’Élizabeth Kübler Ross. Apeuré devant l’ampleur de ce que je m’apprêtais à vivre, ses livres m’ont non seulement apporté un grand soutien mais permis d’apprivoiser un peu plus la mort… et la vie ! Dans les mois qui ont suivis, j’ai également découvert le livre « Je t’aime, la vie » de Catherine Bensaid dans lequel je trouve encore aujourd’hui des paroles de grand réconfort.
La richesse de toute l’expérience vécue avec mon père et toutes mes autres expériences de deuil m’ont motivé à faire une formation en accompagnement des personnes endeuillées il y a quelques années. Je l’ai fait par intérêt personnel mais avec un petit sentiment qu’un jour, j’en ferais sans doute quelque chose de professionnel, sentant que si nous avons tous une mission dans cette vie, celle-là pourrait bien être la mienne. J’ai donc mis ça de côté jusqu’à il y a presque 3 ans, moment où j’ai commencé à travailler au Spa Eastman. En fait, en entrant dans le Spa, avant même de passer l’entrevue, j’ai senti que c’est là que ça se passerait mais j’ignorais quelle forme ça prendrait.
Et puis, il y a quelques mois, Johanne Hébert, une collègue massothérapeute qui pratique aussi l’accompagnement, m’a partagé son projet de monter une semaine au cours de laquelle, les gens ayant vécu ou vivant un passage obligé viendraient se déposer au Spa dans un espace hors du temps pour prendre le temps de se retrouver et prendre soin d’eux. Nous les supporterions avec des ateliers de méditation, d’écriture, de respiration et de yoga entre autres. La semaine serait parsemée de conférences dans le but d’offrir aux participants des outils pour favoriser l’acceptation et ultimement leur guérison. Plus elle me partageait son projet et plus ça résonnait en moi. Ce que j’avais senti 3 ans auparavant n’était pas une illusion et voilà la forme que ça prenait !
Cette semaine « Vivre en santé… après un passage obligé » aura lieu du 12 au 19 novembre prochain. Nous aurons le privilège d’y accueillir Josélito Michaud, auteur du livre « Passages obligés » et Jean Monbourquette, auteur de plusieur livres phares sur le deuil, dont le très célèbre « Aimer, perdre et grandir ». Tous deux nous font l’honneur de prononcer une conférence dans le cadre de cette semaine très spéciale.
Je chéris le projet de Johanne comme si c’était le mien parce que je crois profondément à sa raison d’être, à sa pertinence et à sa nécessité. Si la douleur d’un deuil vous afflige, cette bulle de temps hors du temps vous est dédiée. Je serai heureux de vous y accueillir.
Richard
p.s. : Les détails de la semaine « Vivre en santé… après un passage obligé » se trouvent en cliquant ici.