Quand j’ai su que je pouvais mettre des mots sur ce que je ressens et d’une certaine façon l’illustrer sur papier à l’aide des milliers de mots de la langue française, telle une palette de couleurs, j’ai compris que je détenais l’outil de vie dont j’avais besoin pour frayer mon chemin sans perdre pied. J’ai dès lors écrit pour m’amuser, pour me soulager, pour communiquer avec les autres, pour voir clair en moi, pour rendre hommage à la vie. Tant pis pour les modes, les règles, les opinions personnelles. J’écris, tout d’abord pour moi, les mots propulsés par le ressenti.
L’écriture sensorielle n’est issue d’aucun enseignement, d’aucun thérapeute ni auteur. Je n’ai pas appris cette méthode. C’est par instinct que j’ai moi-même employé cette technique dans ma propre vie. J’oserais presque dire par un instinct de survie. Je me sers d’elle pour maintenir la fluidité de mon courant intérieur et communiquer avec autrui.
Les sens
J’ai intitulé ma démarche « écriture sensorielle » parce que je fais référence aux sens. Nous en avons cinq connus. Peut-être un sixième – qui sait ? –, mais parlons ici de ceux rattachés au corps : la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat et le goût. Ces sens nous mettent en contact avec les sensations qui, elles, déclenchent en nous des émotions. Quand nous mobilisons nos sens dans un texte, c’est-à-dire quand nous exprimons des émotions en parlant de couleurs, de saveurs, d’odeurs, de sons, de sensations tactiles, nous ressentons nos propos et le lecteur a à son tour la capacité de ressentir ce que nous voulons dire. Prenons par exemple le livre Le Parfum, un roman de Patrick Süskind. L’auteur mobilise si bien les sens à l’aide de mots que nous pouvons quasiment humer les odeurs des différentes scènes de son roman. Or, pour pouvoir décrire si subtilement les odeurs, il a dû se référer à ses propres sensations et à sa grande sensibilité en ce qui a trait au monde olfactif, permettant ainsi au lecteur de ressentir des odeurs pourtant fictives. Le ressenti de Süskind a guidé l’écriture d’un chef-d’œuvre de la littérature.
Néanmoins, l’écriture sensorielle, écriture du ressenti, n’a rien à voir avec la littérature ou la grammaire. L’esthétisme du texte ou les fautes d’orthographe ne comptent pas. Cette approche se distingue par son accessibilité. N’importe qui peut la pratiquer, sans avoir de talent ni de formation particulière. Le préalable, c’est d’être vivant et à l’écoute…
Si vous êtes vivant, vous ressentez ; si vous ressentez, vous avez quelque chose à dire ; et si vous savez parler et que vous connaissez les règles de base de l’écriture (sujet, verbe, complément), vous détenez l’essentiel permettant de plonger dans cette activité. Reste alors à vous connecter au ressenti pour arriver à le nommer.
– Guylaine Cliche
Cela dit, écrire est tout d’abord basé sur ce que nous avons à dire. Les techniques, méthodes, règles de la langue sont à mon sens accessoires et ne devraient jamais priver personne du soulagement éprouvé une fois que les sensations, sentiments ou émotions qui vibrent en nous sont couchés sur papier, notre meilleur allié. En effet, par la rédaction, on incarne dans le corps physique qu’est le papier ce qui est abstrait : la pensée, les idées, le ressenti, les conventions, la spiritualité, les enseignements, etc. Nous fixons ce perpétuel mouvement sur un support qui nous permet de lui donner vie, de le toucher, de l’observer, même de le moduler et d’interagir avec lui à travers différents gestes tels que la relecture ou la destruction, selon ce qui aura émergé.
Lorsque nous sommes éprouvés, que nous traversons de forts courants, des épreuves et des moments agités, notre mouvement intérieur est si intense qu’il devient généralement difficile de le percevoir et de le nommer. Notre vision s’embrouille comme si le limon qui tapisse le fond de notre rivière tourbillonnait en suspension, rendant l’eau opaque. Écrire permet de percevoir où se trouve la lumière, de repérer la surface, là où on peut aller souffler un peu, puisque le texte immobilise pendant un moment le fort courant de notre ressenti.
Tout un chacun porte ses trésors nichés au creux de l’être : ses réponses, ses inspirations, ses aspirations, ses passions, sa force vitale. Nous sommes tous riches de ce pouvoir créateur qui permet de leur donner vie en les incarnant dans le corps du papier. N’est-ce pas cela, l’essence même de la créativité?
Auteur de ma vie
Extrait tiré du livre Auteur de ma vie, prendre son envol par l’écriture sensorielle en vente ICI.