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L’immobilité dans le mouvement: courir en pleine conscience


À propos de l’auteur

Patrice Godin

Patrice Godin est acteur, écrivain, conférencier et ultramarathonien. En tant que conférencier, il s’intéresse aux courses d’endurance, au dépassement de soi, à l’importance de la santé physique et mentale, à la méditation. Il aborde aussi sa passion pour la littérature et la création littéraire.


Il arrive qu’on me pose cette question à la fois simple et directe: « Qu’est-ce que tu fuis en courant comme tu le fais? »

J’ai toujours trouvé étrange qu’on présuppose que je fuis quelque chose en courant longtemps, mais je comprends l’inquiétude – ou disons, le questionnement – qu’il peut y avoir. Je vous rassure, il n’y a pas à s’en faire. Je ne fuis rien, je ne me sauve pas, c’est même plutôt le contraire. Je vais à la rencontre de moi-même.

La performance pas la motivation principale

Courir, dans mon cas, a très peu à voir avec la performance pure. Bien sûr, comme tout le monde, j’aime améliorer mes temps, courir plus vite sur une distance donnée, qu’elle soit de cinq ou de cent soixante kilomètres et plus. Être meilleur d’une fois à l’autre. La performance, à échelle variable, fait partie du sport, c’est normal, c’est humain. Je mentirais en disant que je me fous complètement de mes performances. Je porte une montre hi-tech qui calcule pratiquement tous les mouvements que je fais, même dans mon sommeil. Je suis abonné à Strava (un réseau social pour cyclistes, coureurs et autres amateurs et amatrices d’endorphines). J’ai des souliers de course qui pèse une plume. J’essaie constamment de repousser mes limites. Mais seulement, mon moteur, ma motivation principale, ne sont pas là. Cela peut paraitre étrange, c’est pourtant la vérité. D’ailleurs, chaque fois que j’ai entrepris un ultramarathon (course de cinquante kilomètres et plus) avec la seule idée de performance en tête, je me suis planté. Et j’ai abandonné.

Mon corps avait beau être préparé, mon esprit, lui, n’était pas au bon endroit.

Aventure extérieure, voyage intérieur

À l’inverse, chaque fois que j’ai entrepris une course d’envergure (Vermont 100, Massanutten 100, UTMB, Bigfoot 200) en me disant: « Voyons voir ce que la journée me réserve », je n’ai pas été déçu. Je suis entré au plus profond de moi-même pour en ressortir grandi – en quelque sorte.

À mes yeux, courir loin et longtemps relève autant de l’aventure extérieure que du voyage intérieur. J’y associe une forme de méditation active. Pour parcourir quatre-vingt, cent soixante ou trois cents kilomètres en montagne à la course à pied, il n’y a pas trente-six façon d’y arriver, il suffit d’accepter les choses telles qu’elles sont – être dans le moment présent – tout en mettant un pied devant l’autre avec le sourire – autant que faire se peut. Marcher si le besoin s’en fait ressentir? Aucune honte à ça. Il s’agit d’avancer, peu importe.

Quand j’ai commencé à courir, il y a plus d’une douzaine d’année, il m’arrivait souvent de débuter ma course avec un esprit agité. Que ce soit par les tracas de la vie quotidienne, ou par de l’anxiété, de la colère, de la tristesse, les premiers pas étaient lourds, mon corps, pris en un bloc, mon état mental se trouvait englué dans une une sorte de brouillard opaque. Et je luttais contre cette pesanteur au lieu de la laisser passer. Je me laissais ainsi, inconsciemment, contrôler par elle, mes émotions négatives s’en trouvaient amplifiées. Peu à peu, sans même que je m’en rende compte, j’ai appris à me détacher de ces tourments, de ces tempêtes intérieures. Les mouvements, ceux du corps comme ceux de l’esprit, sont devenus plus fluides, plus légers. Le ciel dans ma tête s’est dégagé. Je contrôlais beaucoup mieux ma respiration malgré l’effort. Je gardais contact avec mon environnement, au lieu de me complaire dans mes douleurs, j’appréciais le lieu dans lequel je me trouvais, je prenais note de la beauté de la nature qui m’entourait peu importe les saisons et le temps qu’il faisait. Je cessais de focaliser sur le négatif. C’est ainsi que j’ai découvert, presque par accident, ce qu’était la course en pleine conscience.

Se ramener à l’essentiel

Encore aujourd’hui, certains de mes entrainements sont laborieux. Trainant une blessure au tendon depuis bientôt trois ans, j’ai parfois besoin de me ramener à l’ordre et de lâcher prise. Alors qu’il n’y a pas si longtemps encore, je pestais contre ma condition, j’accepte maintenant de marcher, de ralentir le mouvement, je me ramène à l’essentiel – être libre et vivant -, je me ramène à l’instant présent, à ce qu’il y a de beau et de puissant dans la neutralité, l’immobilité intérieure, sans jugement aucun.

Bien sûr, on peut chercher à fuir en courant. Le besoin absolu de performance peut aussi être une fuite, une drogue. Courir en pleine conscience est une façon de nous connecter à nous-même, de nous recentrer. Pour apprécier chaque instant qui nous est offert. Il n’est nul besoin de courir des distances phénoménales pour intégrer une telle pratique dans son quotidien. Comme la méditation traditionnelle, la course en pleine conscience se bâtit un peu chaque jour, un pas à la fois.


Retraite à venir

28 mai au 1er juin

La santé consciente

Animée par Nancy Boisvert et Patrice Godin

Comment réunir le bien-être physique et mental? Comment connecter le corps et l’esprit? En prenant le temps de courir, respirer, méditer.